Dernier tour de piste sous la verrière du Grand Palais. Les brindilles déguisées en mannequins et leurs pieds chaussés de cuissardes dorées piétinent en coulisse. Ultimes retouches… Ajustez les chignons, la broche n’est pas bien droite ! Et puis, surgissement dans la réalité. Elles s’échappent comme des harpies en manteaux à plumes et collants à strass d’une boite de Pandore aux façades réfléchissantes comme un miroir. On a planté neuf peupliers autour desquels les modèles évoluent dans une sorte de ballet sur lit de feuilles mortes… Tout semble vrai, c’est une fausse forêt mais avec de vrais arbres, importés du Perche. Comme toujours, c’est le défilé Chanel, orchestré par Karl Lagerfeld, qui ravit de beauté éphémère les yeux – bien cachés derrière des verres noirs – des spectateurs, ces fameux happy few qui se la jouent toujours très sérieux et faussement happy d’être là, avec leur éternel air de mépris au coin des lunettes, comme un clin d’œil malsain destiné à ceux qui « n’en sont pas ». Et puis voilà, un défilé, c’est à peine commencé que c’est déjà fini, et avec lui une énième Fashion Week parisienne. Cette année, l’ombre du designer star Hedi Slimane a brillé par son absence, alors qu’au même moment, la bonne étoile d’Eddy de Pretto irradiait tout, on l’a même aperçu au défilé Chanel. Deux prénoms à la prononciation similaire pour deux disciplines artistiques différentes, deux façons d’appréhender l’art opposées et deux symboles de la confusion, parfois voulue, entre le vrai et le faux.
     Dans le 8è cercle de L’Enfer de Dante, les fraudeurs et les trompeurs coulent des jours éternellement malheureux dans des trous qui ressemblent à s’y méprendre à ceux qui parsèment le visage d’albinos manqué du nouveau chanteur à la mode Eddy de Pretto. C’est donc lui l’attraction majeure du moment, il a même un nom qui ne détonne pas du tout à coté de ceux de Diogène de Sinope et Bertran de Born. Cette escroquerie à texte est la nouvelle coqueluche. Il tombe à pic, en osmose totale avec son époque, le pédé qui prône le non-genre ; qu’il soit question d’identité sexuelle ou de musique, Eddy de Pretto symbolise l’avènement du tout ridicule comme le nouveau classique. Plus rien ne se fait pas, tout est à oser. C’est une nouvelle façon d’appréhender le vrai et le faux, en les mélangeant savamment et en les retournant sur eux-mêmes, à l’infini. Ça porte même un nom, c’est la culture Bootleg.
     Cette culture Bootleg, le monde de la mode en est l’exemple parfait. C’est désormais plus hype de porter le faux qui est une copie du vrai, voilà ce que ça veut dire. La rue n’a tellement plus rien à proposer de nouveau qu’elle revient, dans son mauvais goût, à une esthétique mi 80’s mi 90’s avec un décalage ironique. Tout ça est cyclique, il faut généralement trente ans pour que la mode d’une décennie revienne sur le devant de la scène, mais jamais la non-mode n’était à ce point devenue la mode elle-même. Cette opération d’ironie généralisée prend sa source dans une réappropriation des codes de tout ce qui est beauf et ringard pour le transformer en avant-garde. Les baskets orthopédiques, les joggings portés avec des escarpins et des chaussettes en résille, les gros sweats gris Champion… Quand Kanye West utilise la même méthode de réappropriation dans le clip de Bound, c’est dans une démarche d’affirmation, de revanche noire. C’est drôle de le voir baiser Kim Kardashian sur une Harley, en plus d’avoir un sens, mais quand des Blancs faussement pauvres, faussement de banlieue, faussement losers, cherchent délibérément à ressembler à de gros beaufs – en faisant croire que c’est pour rire – pour obtenir une fausse street-cred’, on se perd dans cette fameuse ironie qui cherche à les sauver d’eux-mêmes.
     C’est l’autre mode, celle des Prada et des Balenciaga, des grandes maisons, qui pousse le délire hypocrite le plus loin. En surfant sur le phénomène, les marques de luxe font désormais des copies des faux ! Les pistes sont toutes brouillées, on n’y comprend plus rien. Où est le vrai ? Le faux ? Qu’est-ce qui est vrai ? Comment se fait-il que le vrai ne semble vrai que s’il fait faux ? On voit sur les podiums, lors des défilés, des pulls Fendi avec un F copié sur celui du logo de Fila, du Prada avec le P de PlayStation, des bombers Gucci sur lesquels on a écrit Guccy, des sacs plastique ornés d’un sigle Balenciaga qui rappellent les gros sacs bleus d’Ikea (c’est fait exprès). C’est souvent une histoire de collaboration. Bientôt Chanel x Emmaüs ? Lagerfeld n’oserait probablement pas mais, en attendant, non seulement les néophytes sont heureux – les gros logos premier degré ayant toujours eu leur public, dans le côté signe extérieur de richesse bas de gamme et vulgaire –, mais ça plait aussi aux intellos de la mode qui y voient une mise en abyme un peu « fun ».

     C’est ainsi, les manteaux trois quart ne sont plus à la mode. Autrefois l’expression d’un raffinement, d’une classe et d’un esthétisme dignes des salons proustiens, on ne les voit guère plus que sur le dos des étudiants en école de commerce, version laine qui bouloche, ou sur celui de Kanye West toujours, en alpaga peut-être mais couleur camel (très laid comme couleur, je parie que Gilles Lellouche en a un comme ça, c’est bien la preuve que ça ne se fait pas) et, pire encore, porté au-dessus d’un jogging « à pressions », comble de la ringardise. Dans sa collection Automne Hiver 2013 pour Yves Saint Laurent, Hedi Slimane en présentait pourtant une version définitive aux épaules strictes et aux revers en pointes. Coupe incroyable, tombé impeccable, il nous le servait avec une chemise à carreaux en flanelle, un pantalon moulant en cuir et, pour la première fois, des bottines Wyatt à harnais qui deviendront un classique instantané. Les défilés d’Hedi Slimane sont une invitation à pénétrer un monde qui refuse l’oubli d’un temps rêvé, en le ramenant à la surface. Pour la collection Printemps Été 2015, c’est le far-west qui pointe le bout de son nez à nouveau, cent ans après la fin des éperons. Déplacement latéral en travers des néons sur un tapis roulant, le mannequin au ceinturon de cuir noir comme la prunelle d’un cowboy de Sergio Leone fait son entrée sur le runway, comme un atterrissage de corbeau mal luné. Apparition en contrejour d’un fantôme revenu d’Altamont. Le vent s’engouffre dans le foulard en viscose qui recouvre l’épaulette de la veste d’officier – mi Jimi Hendrix mi Man with no name –, portée sur une marinière rentrée dans un jean noir aux proportions idéales (serré aux cuisses et très légèrement évasé, à la Steven Tyler), sans ourlets apparents, les coutures laissant la place à des bords effilochés, comme découpés à l’opinelle pour encore mieux épouser les santiags en python. Le reste du défilé est à l’avenant. On a l’impression de faire face à une armée qui refuse l’élitisme de la mode (les mannequins utilisés ne sont même pas « professionnels » ; de toute façon, ça veut dire quoi professionnel ?) tout en la prenant au sérieux. Les vêtements présentés semblent avoir toujours toujours existé, pas du tout créés pour l’occasion. C’est une succession de silhouettes évidentes comme la mort, sublimes car fugitives. Cette exaltation de l’apparence, et cette vision trop peu élitiste de la mode, en imposant de la marginalité à un monde qui n’en veut pas, a valu à Slimane toutes sortes de critiques. Son prêt à porter n’est pas prémâché. On a beau dire que c’est « facile », qui est capable de créer le modèle ultime d’une pièce pour en faire un essentiel de la garde-robes classique ? C’est simple de faire des vestes noires, mais LA veste noire ? La force du génie, c’est cette capacité à donner une apparence de simplicité, de facilité et de vérité, toujours.
     Slimane ne boit pas, ne fume pas et ne se drogue pas mais il voue un culte à ceux qui se rendent coupable de toutes ces activités. C’est son fetish, comme on dit. Son idéal esthétique est un mix du Frankenstein le Dandy de Schuhl et du David Bowie période Thin White Duke de la pochette de David Live et son costume croisé bleu poudré signé Freddie Burretti, designer anglais au succès aussi éphémère que la vie de Ziggy Stardust. L’histoire (de la mode) l’a injustement oublié, mais il n’y a qu’à voir le costume en satin porté par Bowie dans le clip de Life on Mars? pour comprendre d’où vient la coupe ultra cintrée des fameux costumes que Slimane popularisera dès le début des années 2000 à tel point que Harry Roselmack et Yann Barthès en portent sans le savoir. L’apparence même de Karl Lagerfeld en a été modifiée ! Eh oui, les quarante kilos qu’il a perdus, ce n’était pas pour rien. Régime spécial pour rentrer dans les fringues créées par Slimane. La morphologie de la décennie, c’est lui.
     En 2000, quand il arrive chez Dior, il introduit la silhouette longiligne qui domine encore l’esthétique actuelle (les jeans skinny, c’est lui) et révolutionne le vestiaire masculin, mais c’est son passage chez Yves Saint Laurent qui aura le plus d’impact. Les jaloux cyniques ont voulu faire croire qu’il avait fait enlever le Yves de Yves Saint Laurent, pour renommer la maison en Saint Laurent Paris, par mégalomanie. Pas du tout ! C’est un clin d’œil à la ligne Saint Laurent Rive Gauche lancée en 1966, et qui utilisait déjà la même police Helvetiva, pour mieux différencier les lignes couture et prêt-à-porter… Faut se renseigner, rien n’a bougé, jusqu’au monogramme YSL désigné par Cassandre. C’est un hommage, pas un coup d’état, une évolution dans la tradition.
    Pas très porté sur le cynisme ou le pseudo humour méprisant le Slimane d’ailleurs. Quand Colette a commercialisé des t-shirts portant le slogan Ain’t Laurent without Yves (créé par l’obscure marque Reason), Slimane a décidé de boycotter, à raison, le magasin branché (désormais fermé, enfin !) et d’annuler toutes les futures commandes. Plus de Saint Laurent chez Colette, ça leur apprendra à être cons. C’est toujours le manque de cynisme qui a poussé Slimane à quitter la maison en 2014. La sortie du parfum Black Opium, orchestrée par la branche Yves Saint Laurent Beauté, sans l’accord de Slimane, s’est très mal passée. Le design du flacon, la campagne marketing, le jeu de couleurs utilisé… Trop de mauvais goût pour que le designer en avale la liqueur. Tout doit être contrôlé du début à la fin, les initiatives pourries prises par les sous-fifres, on s’en passera, mais les financiers sont toujours très forts pour pousser les génies vers la porte, la preuve. Il aura suffi d’un parfum cheap faussement dans l’air du temps pour que Slimane claque la porte. Depuis, la marque a enlevé toute mention de son nom sur les réseaux sociaux et les pièces emblématiques (créées par lui) ne sont plus disponibles, que ce soit sur la boutique en ligne ou en magasin. Le perfecto L17 ? Fini. Les bottines Wyatt à harnais en daim ? On oublie. Slimane, en quittant Yves Saint Laurent, avait pourtant laissé en cadeau la licence permettant à la marque de continuer à vendre ses créations en collection permanente. Le management en a décidé autrement, étouffé par la jalousie. Il a suffi que Slimane tourne le dos pour qu’on colle une banane (les petits sacs dans lesquels on mettait des billes en maternelle) sous son perfecto, comble du mauvais goût. Comment se tirer une balle dans le pied en tuant par la même occasion celui qui avait toutes les idées… Mort à Hedi ! Désormais, c’est Anthony Vacarello qui a la charge de faire du faux Slimane chez Yves Saint Laurent. Encore du Bootleg…

     Le même sentiment résonne jusque dans les studios d’enregistrement – ou ce qu’il en reste puisque tout se passe désormais à la maison, sur ordinateur. Ils veulent du vrai faux alors ? Qu’on leur apporte un Stromae tombé du camion ! Plus vrai que l’original puisque tout faux, c’est le même phénomène que chez les modeux. Car si Eddy de Pretto cite volontiers Barbara (comme tout le monde) et ses orchestrations de mauvais goût quand il parle de ses influences, ou de Brel, c’est pour faire diversion. S’il mentionne Brel, c’est justement pour mieux noyer l’autre grand poisson belge qu’il a vidé de toute sa substance : Stromae. Un peu comme les Hutus ont fait avec le père du néo-dépressif reconverti dans le design de vêtements, pour mieux le jeter ensuite dans une rivière rwandaise. Papaoutai ? Sous l’eau ! Eh oui, de l’utilisation des synthés syncopés aux chorégraphies volontairement gênantes et maladroites, et là où Stromae avait su être inventif et doué, tout « l’univers » d’Eddy de Pretto est un fac-similé de celui du belge déprimé, ça ne se limite pas à la diction. Pire encore, Eddy de Pretto n’est même pas foutu de composer lui-même ses parodies. C’est un copain qui s’en charge, Cédric Janin. Malheureusement, très peu de variété dans les compos variet’ de Cédric Janin. Un comble pour un type visiblement fan de Goldman, Cabrel, Bruel et compagnie. Il s’agit toujours du même morceau sur lequel Eddy de Pretto trappe (variante du rap) vaguement en suivant nonchalamment les accords, le vibrato au bord des lèvres. On retrouve même un bout de J’oublierai ton nom de Johnny dans Ego.
     Dans Kid, pompée sur Casser la voix, Eddy de Pretto s’érige en moraliste anti-patriarcal sauce De Haas. C’est ce même non-activisme post-gay sauce misérabiliste qui suintait des pages du roman d’Édouard Louis qui avait fait un petit peu de bruit il y a quelques années. Eddy Bellegueule, Eddy de Pretto, même combat, si ce n’est que Pretto a vraiment une sale gueule. Heureusement qu’il ne s’est pas fait appeler Eddy le Pretty. Il l’a travaillé quand même, sa tronche de cake, il suffit de voir les photos de son book de comédien quand le rebelle rêvait encore de comédies musicales… Il n’avait pas encore décidé d’arborer la tonsure de moine raté. C’est le combat qui l’a amoché peut-être, celui du mec qui ne demande qu’à jouer aux Barbies en cherchant d’où lui vient cette manière de parler, ces gestes, et qui tente de contrevenir à son complexe de classe en imaginant « monter » à Paris en TER, bras d’honneur par la fenêtre du wagon et revendications plein la tête, comme la conviction qu’aucun poste de télé ne pénétrera jamais dans le futur appartement dont il rêve. Ah non alors ! C’est le point commun de tous ces personnages, réels ou fictifs, aucune démesure, que de la révolte douce. C’est d’ailleurs difficile de savoir si Eddy de Pretto est bien réel, on dirait un mannequin vide. Il est creux, mais il ne sonne même pas bien. À l’intérieur, il n’y a rien. C’est comme si le malaise de la société avait spontanément pris forme, une forme pas très ragoutante, à son image, puis que tout le mal-être des potentiels auditeurs avait été déversé par les orbites avant qu’on ne rebouche tout ça avec deux petits billes bleues mesquines en guise d’yeux. Et puis, ça a pris vie, si on peut dire, comme une Love Doll qu’on bourre et qui fait du bruit grâce aux capteurs présents dans la chatte en plastique, sauf que là, ça chante.
     Au bout de son bras, en guise de capteur, on a greffé un iPhone, qu’on relie à la table de mixage lors des concerts par un câble « jack ». Ça lui sert d’accompagnement sonore. Il lui suffit d’appuyer sur la touche « Play » pour « faire de la musique ». Pas très reluisant techniquement, encore quelque chose de faux (toute la musique qui sort des enceintes est fausse). C’est avec un véritable fil à la patte qu’on le montre, comme un freak tragique. On l’exhibe enchaîné, pris au piège comme un Simenon dans sa cage de verre, mais à l’envers. C’est-à-dire que là où l’auteur Belge avait eu l’idée de se transformer en Houdini créatif pour une performance, la rédaction d’un roman en trois jours, en public, et la démonstration que le cerveau voyage très bien, merci pour lui, même dans espace confiné – Simenon pouvait aussi écrire assis à son bureau, calmement, et seul, pas besoin de se mettre en scène pour être un écrivain talentueux –, Eddy de Pretto a besoin d’être prisonnier de quelque chose pour donner l’illusion de créer. Vous suivez le fil ? Eddy de Pretto est esclave de ce faux qui fait vrai. Car le petit objet technologique qui le relie au monde d’un côté, aux machines de l’autre, et qu’il traîne comme un boulet sans lequel il ne peut pas exister renferme tout ce qui lui donne vie. La musique (produite et jouée par d’autres) le compte Instagram (pour l’existence illusoire virtuelle par likes interposés) et même l’électricité, probablement. À moins qu’il ne fonctionne à l’eau, avec sa tête d’hydrocéphale ? En parlant de tête… Bertran de Born ! Son collègue du 8è cercle, celui avec la tête coupée, tenue à bout de bras, en lanterne, remember ? On a vu la même chose dans le dernier défilé Gucci Automne Hiver 2018-2019. Toujours la mode du vrai faux… Alessandro Michele, le designer de la maison italienne, lirait-il Dante, lui aussi ? Les mannequins défilaient récemment à Milan, et non en Enfer, avec leur propre tête sous le bras (modelée en silicone), mais elle n’éclairait rien du tout. La tête, aujourd’hui, n’est plus qu’un accessoire. Et même pas besoin qu’elle soit jolie, au contraire.
     Eddy de Pretto a beau faire le sincère, sous le masque de la souffrance, c’est bien le cynique qu’on aperçoit. Ce n’est pas joli, Eddy. Vendre son âme de la sorte, se déguiser en mongolien pour être « comme eux », les fans, leur faire croire à ton courage. Tout ça pour quoi ? « Réussir » ? Il aurait été plus honorable de suivre la devise de la maison de Noailles, « Plus d’honneur que d’honneurs », reprise à son compte par Yves Saint Laurent, puis déposée en drapé de soie sur l’épaule de Victoire Doutreleau en 1954, et passée de mannequin en mannequin depuis, comme le signe d’un refus de toute compromission, jusqu’aux cowboys et cowgirls d’Hedi Slimane. Le designer n’aura pas supporté cet appel du pied du faux, du consommable et du mauvais goût que l’entreprise de luxe a tenté de lui imposer en l’aspergeant de parfum cheap. Il en a tourné les talons de ses santiags. C’est quand même autre chose comme attitude. La quête de l’idéal, le rêve enflammé, le sublime indicible, les « mystères Chopin », tout ça ne fait plus recette. Aucun intérêt de produire quelque chose de sensible, de s’attacher à élever le public, de chercher la beauté qui coupe le souffle à travers une forme de vérité. Le règne de l’absolument normal, de l’absolument banal est venu. C’est même le refrain du morceau Normal de Pretto. Dostoïevski déplorait déjà au XIXe qu’on veuille « couper la langue à Cicéron, crever les yeux à Copernic et lapider Shakespeare ». Désormais, c’est carrément greffer des bras à la Venus de Milo qu’il faut, pour la rendre normale, justement. Amputer la beauté en lui ajoutant quelque chose, il fallait y penser. La remplacer par le néant aussi. Eddy de Pretto est le symbole de ce nouvel élan vers le néant. Il nous y emmène même en dansant pendant qu’on grave son nom sur les prochaines Victoires de la musique. Ça va être sa fête ! Celle du fake, bien vulgaire. La fête de trop, peut-être, comme il le chante dans son clip faussement non-travaillé. Si seulement…

Julien Vesper