Fallait bien commencer quelque part ! Un jour… Se faire un peu les dents. Le mois dernier, j’ai vécu ma toute première expérience « médiatique », dira-t-on. Je ne connais personne qui travaille à la télé, je n’ai pas grandi dans un univers qui m’aurait autorisé à me familiariser aux plateaux, rien. Virginité absolue ! C’est grâce à une très dévouée amie à nous, Aïsha, que le plan m’est tombé dessus. Un mec, Yoni – qui avait essayé de se la taper grâce à Tinder, et qui n’avait pas réussi jusqu’au bout – était stagiaire au sein d’une sorte de boîte de production et avait la charge d’une émission (et de son organisation) qui tournait autour des jeunes et de la politique. Paniqué parce que puceau (de la télé et d’Aïsha), lui aussi, le jeune homme a proposé à notre amie de participer aux éditions à venir. C’est ça le concept : trois jeunes, plutôt « intellos », opposés à une figure de la scène médiatique. Super… Aïsha, que je ne connaissais d’ailleurs pas si bien, n’a pas considéré être capable de faire le coup et a pensé à moi, me renvoyant ainsi son prétendant comme une boule de billard, avec une ribambelle d’arguments plutôt flatteur pour le convaincre de bien glisser. Merci à elle. À ma grande surprise, Yoni a mordu à l’hameçon, il est bien venu la queue (de billard) entre les jambes et j’ai effectivement reçu un message de sa part.
     Assez vite, j’ai donc compris que le Yoni se chiait dessus et comptait sur moi pour le sauver de cette galère. Ce qu’il me proposait était radical : deux émissions complètes, une le mardi et une le jeudi, les deux la semaine à venir. La première avec Gaspard Gantzer, le communicant de Hollande, et la seconde avec Alexis Corbière, le bras droit de Mélenchon. Il n’avait aucune ligne directrice, aucun sujet, rien, et il espérait bien, je l’ai senti, se servir de moi pour capter des idées et des pistes. J’avais carte blanche, me disait-il. Tentant !
     Deux émissions entières, après quelques heures de réflexion, j’ai rapidement décidé que c’était trop. Trop à préparer en si peu de jours, trop de stress, trop long, trop collectif, pas assez frappant et mauvais stratégiquement. Alors, j’ai imaginé leur proposer quelque chose, et Yoni m’a donné rendez-vous sur place le lundi, c’est-à-dire deux ou trois jours, à peine, après notre première discussion, et surtout la veille de la date prévue du premier enregistrement. Il voulait que je rencontre son patron…
     Le lundi, le 15 janvier, je me rends (oui, je passe au présent !) à Boulogne dans les locaux de la boîte de production. En arrivant, il ne se passe pas cinq minutes avant que je ne comprenne où je suis tombé. Yoni m’accueille, me fait asseoir et me présente à tous les autres gens, plutôt jeunes, qui sont là, endormis : « David est un jeune auteur qui va faire beaucoup de choses et parler de lui dans le futur » : sympa, mais tout le monde s’en branle. La première chose que me dit Yoni, en face en face, c’est qu’il est Juif. « Tu sais, j’ai un peu fouillé pour voir qui tu es, et j’ai trouvé ça top, j’ai vu ta revue, ta chaîne Youtube aussi, et c’est plein d’énergie, c’est ce que j’aime, mais par contre moi, je tenais à te le dire, je viens d’Israël, j’y habitais encore l’an dernier »… « Et alors ? », que je lui réponds. Les fondamentaux sont posés. Après une dizaine de minutes de charabia, où je garde le secret de ma proposition (ils pensent toujours que je serai là pour Gantzer, le lendemain), le patron, Boris Ehrgott, débarque. Lui, c’est un grand dadais qui se tape une chroniqueuse d’Hanouna et qui bossait pour Ardisson, à l’époque. Je vais dans son bureau, et derrière sa chaise, accroché au mur, j’aperçois un cadre qui contient la couverture « tout est pardonné » de Charlie Hebdo. Sur le bureau, juste devant mes yeux, il y a un mug « cool » qui, lui, contient un petit drapeau, un drapeau blanc et bleu, celui d’Israël bien sûr… Lui aussi me fait le coup ! Il me dit qu’il est Juif, qu’il connaît Soral, qu’il l’aime bien, il m’interroge sur ce que je fais, il m’interroge sur Nabe, etc. À croire qu’ils ont un truc à se reprocher… Moi, je ris, parce que je sais ce que je vais leur proposer : Céline !
     J’ai quatre demandes. La première, c’est mon refus d’être un des jeunes parmi les trois en plateau. Me retrouver avec deux pignoufs de sciences-po, à écouter tout le monde déblatérer sur les syndicats, la retraite et le chômage, non merci. Je veux venir seul, à part. La deuxième, c’est mon refus de faire les deux émissions. Gantzer, j’avais des tonnes de choses à lui dire, sur Trump, sur Macron, sur Internet, sur la série Mad Men dont il est fan (c’est ce qu’il a encadré derrière son bureau, lui)… Tant pis, j’y renonce. Je ne veux faire que Corbière : comme début, c’est mieux. La troisième, c’est celle qui concerne le temps : hors de question de rester assis sur le plateau pendant toute l’heure, je veux un quart d’heure, tout de même, et m’en aller. La dernière de mes demandes, enfin, c’est celle qui concerne le sujet : je vais venir parler des pamphlets de Céline ! Corbière s’est exprimé dégueulassement sur la question à la radio, je la maîtrise, et c’est de ça dont je veux parler.
     Bingo ! Ils acceptent. On dirait qu’ils m’adorent. Sourires tout en dents. Ils me promettent même de m’offrir ce qu’ils appellent le « face à face » final, en faisant sortir les autres jeunes du plateau pour moi. Je rentre à la maison, satisfait, extrêmement stressé parce que c’est maintenant officiel, et puis amusé, amusé que des Juifs vraiment plus juifs que juifs, qui tiennent tous ensemble une boîte de production, me laissent venir parler de Bagatelles et compagnie, les livres où sont décrits avec la plus grande férocité les Juifs de bande, ceux d’Hollywood, etc.
     Pendant trois jours, je prépare mon passage. C’est stupide, mais j’ai peur. Les examens, les concerts, les premiers rendez-vous, les rencontres importantes de ma vie, les grandes prises de parole, tout semble anodin à côté. Je suis content de me forcer, ça sera un très bon entraînement. J’ai une nature invincible, très mégalo et stimulante pour ceux qui m’entourent, une nature qui ne se laisse impressionner par rien, une nature radicale et très obsessive, mais pour autant elle garde tout de même une grosse pointe de timidité, de silence et de recul : peut-être le peu de dandysme que je garde de mon nom. Je suis Cancer… Je suis plus Proust, bien que pas exactement, que Dali… La télé et toutes ces simagrées, ce n’est pas mon environnement préféré. Mais c’est justement pour ça que j’y fonce… Je travaille mon quart d’heure comme un malade ! Je questionne de compétents amis pour m’indiquer si ma voie est la bonne. Je sais exactement ce que Corbière pense, et je connais par cœur ses éléments de langage pour l’avoir entendu partout les répéter. J’imagine une intervention en quatre (encore ?) temps : une introduction efficace où je présente les choses, ensuite deux arguments principaux où je démonte tous les siens (sur la mondanité supposée de l’antisémitisme célinien, comme si Céline avait été ou était mondain et qu’il avait un soutien à Saint-Germain-des-près et que Soral et Dieudonné, eux, n’étaient écoutés que par les classes populaires alors qu’ils sont partout… N’importe quoi… ; sur la difficulté à s’attaquer, si on autorise Céline, aux antisémites modernes, comme si la littérature remplaçait d’un coup la loi ; sur la jurisprudence personnelle, en lui-même, que signifie cette censure généralisée : il avait déjà fait le coup avec Soljenitsyne…) et où je l’attaque sur ce qui le dérange vraiment, peut-être inconsciemment chez Céline (l’anticommunisme et l’anticolonialisme, si on peut dire : je compte lui rappeler son passage à l’assemblée sur le drapeau européen où il disait que la laïcité était une “obligation universelle” qu’il voulait “pour la France mais pour tous les peuples” : comble du colonialisme primaire), et une fin où je lis un extrait magnifique des pamphlets sur l’école, puisque Corbière est professeur de Français, et qu’on m’a promis que je pourrai faire sonner un peu de Destouches pamphlétaire en direct – ce qui aurait été une première.
     Jeudi 18 janvier, on y est. À 14 h, j’y suis. L’organisation fait pitié. Je croise Yoni. Je vois Boris. Tout le monde passe au maquillage, moi compris, l’occasion d’ailleurs de me faire draguer par la maquilleuse qui me fait du pied en me disant que mes cheveux sont splendides et qu’elle rêverait d’avoir les mêmes pour pouvoir les toucher toute la journée… Je suis orange. Quasiment aussi brillant que mon costume ridicule. Corbière débarque, c’est la star, ils lui font une haie d’honneur… Il descend les escaliers comme un petit taureau, et ça tombe bien puisque c’est le tapis rouge absolu… Ehrgott vient me voir pour qu’on se mette d’accord sur la manière dont il allait me présenter : « Jeune écrivain, directeur de la revue Adieu, et là je montrerai ta revue, et voilà… » D’accord, moi, ça me va. Ils courent tous partout pour aller nulle part. Moi, je suis avec mon frère, assis, j’attends. Quelques minutes avant le début de l’émission, Boris vient me trouver et m’annonce ce qui sera l’arnaque de la journée, celle qui devait arriver : « David, tu n’auras pas dix ou quinze minutes, tu en auras cinq, et tu viendras à côté de moi, on a pris un mec du FN pour le face à face finalement »
     Tout est dit ! Les Juifs me font un sale coup, et ils en font un à Céline. Qui aurait pu deviner ça ? Pas moi, apparemment, puisque je ne m’y attendais pas. Je l’accuse, ce coup. Ma grande erreur s’est jouée à ce moment-là ! Il me restait quelques minutes avant d’entrer en scène et, certainement trop énervé et trop angoissé, je n’ai pas pensé à m’adapter, je n’ai pas su changer ce que j’avais en tête. Borné petit puceau de la télé !
     C’est l’heure. J’entre en scène. Je passe devant la caméra, c’est moche, amateur, tant pis pour eux. Boris, qui présente, m’annonce, exactement comme il me l’avait expliqué juste avant. Je m’installe, je pose le livre de l’édition du Québec que je voulais montrer comme étant pourrie et pourtant prévue d’être copiée par Gallimard, Boris s’arrête quelques secondes, et je l’entends, je l’entends dans son souffle, il est excité, il va rajouter quelque chose… Bingo ! Il me plante sur Nabe, immédiatement, directement : ça aussi j’aurais dû m’en douter, c’était probablement prévu. Avec un grand sourire d’enculé, il dit qu’il est important de préciser aussi que je suis “un émule de Nabe”, ce qui en soi n’est pas un problème pour moi puisque c’est en partie véridique, mais qui pour ma première apparition, et avant même que je n’ouvre la bouche, et encore plus vu le sujet et la bouche dont c’est sorti, apparaît un peu comme un léger coup de poignard dans le dos… Merci bien ! Corbière tire une de ces gueules ! Il est vert. Je commence à parler. En dix secondes, la peur s’évapore, et je redeviens normal. Seulement, pris dans la facilité du moment, dégouté d’avance, je me tiens à mes idées, et je débute par une sorte d’introduction très dispensable, comme si les quinze minutes promises étaient encore sur la table. Le présentateur me coupe au bout de deux phrases, me faisant alors bien comprendre que son désir à lui c’était de faire parler son invité, et c’était tout, rien d’autre. Corbière fait couler sa chiasse habituelle, celle que je connaissais par cœur, et que j’étais justement venu laver. Seulement, et on le voit très rapidement à l’image, et on l’entend même, le Boris me prend le bras, assez fort, et me dit à l’oreille, en fronçant les sourcils : « on enchaîne »… C’est-à-dire que je n’allais même pas pouvoir répondre. Je me suis retrouvé à devoir banalement, quand même, défendre le collaborationnisme inexistant de Céline, ce genre de poncifs atroces, et puis c’était terminé. À la trappe tout ce que j’avais prévu de balancer. Pour quoi ? Pour donner mon temps de parole, celui qui m’aurait permis de tout dire et m’aurait offert alors une réussite totale, à un de leurs amis, un jeune, un Juif bien sûr, au nom ridicule, pour parler un peu des Arabes… Je pense que j’étais le dindon de leur farce sionarde, depuis le départ. Ça a mis Corbière dans les cordes – malgré l’ignorance troublante du petit Juif qui avait l’air de croire Merah et Coulibaly toujours vivants –, alors tant mieux, et tant pis pour moi, pour eux (l’émission « Stupéfiant ! » fera le boulot, au moins pour la lecture, deux jours après…), pour Céline.      Pendant les dix minutes qui restent, et qui devaient être miennes, j’ai les jambes coupées, et je n’ai plus l’esprit à l’écoute et encore moins à l’intervention. Je ne fais plus attention, je retourne dans ma bulle, je brûle de l’intérieur. Je suis rouge. J’ai même hésité à partir. Ça allait à toute vitesse, dedans, mais surtout j’étais triste : un moment de solitude au ralenti, quand les autres ressemblent à des pantins qui se déforment petit à petit, et que notre regard, comme dans les mauvais cauchemars, n’arrive plus à trouver quoi que ce soit de rassurant, de normal, que des spectres et des trous qui semblent se fondre vers nous grossissent comme d’ignobles ennemis remplis d’une levure hostile. Je serre les dents, je fronce les sourcils, c’est ma tête quand je ne suis pas content. J’attends que ça passe. Je dois avoir la même tronche quand un gros dégueulasse puant m’écrase dans un coin d’une rame de métro.
     J’en ressors en colère. Et puis, finalement, je me calme, et avec les heures qui passent, et les discussions avec mes amis, sans parler du visionnage du passage, je relativise, et me retrouve même plutôt content de l’expérience. C’était pour ça que j’avais décidé de me faire violence, et d’y aller, pour m’entraîner, pour visualiser enfin un plateau, pour savoir comment s’organisait une telle émission et surtout comment ils se débrouilleraient pour parvenir à me niquer. Parce que je ne me fais plus tellement d’illusions, je pense bien qu’ils avaient prévu leurs petites perfidies… Je voulais me remplir pour être ce que je sais être le jour où ça comptera vraiment, et m’autoriser l’observation, m’autoriser à être trop timoré, cette fois.
     Avant de les quitter, d’ailleurs, j’ai éructé auprès de Yoni, et je lui ai expliqué combien leur émission ne marcherait jamais, combien Boris était ringard, combien, alors qu’ils avaient une diffusion Internet qui était leur priorité, il était stupide d’imiter les codes de la télévision, de ne prendre aucun risque, de préférer laisser dérouler la gerbe habituelle d’un politique au lieu de tenter des choses, etc. Yoni baissait la tête. Comment aurait-il pu me contredire ? Un média tenu par des jeunes ambitieux, qui paraît avoir une relative liberté dans l’approche qu’ils ont osé avoir de mon univers, replonge dans les pires travers de la télévision, celle qui – même moi qui suis l’un des seuls à défendre la théorie que la télévision est loin d’être morte, et que c’est Internet qui échoue, petit à petit (la preuve) – me dégoûte. Présentateur cliché, souriant faux-cul ; plateau et lumières dégueulasses ; questions bateaux sur l’actualité pour faire blablater l’invité sur ce qu’il a déjà craché cent fois ; vitesse et précipitation avec trame chronométrée ; direct raté ; mise en scène de mauvais goût ; et surtout aucune prise de risque, aucune originalité, aucune utilisation d’outils nouveaux, rien. Une sous-sous-sous-sous version de la pire des télévisions. Ils ne termineront pas l’année.
     Ce passage m’a beaucoup appris, et il m’a appris ce qu’apprend ce qu’on vit, il m’a appris à sentir en moi-même, réellement, ce que je savais pourtant déjà. C’est l’erreur de beaucoup de petits prétentieux, dont j’ai pu faire partie plus jeune, celle de croire qu’on sait toujours tout et qu’on y est préparé quand on pense avoir intégré un fait ou lu une idée d’un autre. C’est faux, bien entendu, et il faut vivre les choses pour les maitriser enfin. J’ai compris là-bas qu’à moins d’être parfaitement complice et ami avec celui qui tire les ficelles, il est impossible, à la télévision, d’espérer faire passer une pensée construite, de prévoir un fil, de croire en un temps promis. Je le savais mais ça ne suffit jamais de savoir. La télévision fonctionne à l’égoïsme et à la séquence, il faut alors penser en terme de cris, et de violence, et rien d’autre, c’est ça l’unique stratégie à avoir, et qu’il faut alors transformer suivant les conditions : la violence à adopter peut être l’humour, la douceur, l’insulte, la provocation, peu importe. Ce que j’aurais dû faire, naturellement, c’était d’attaquer directement Corbière avec mon argument principal, celui que je me gardais en réserve. J’aurais dû lui mettre dans les dents, le laisser répondre, lire mon extrait, et puis partir. C’est ma faute. J’ai laissé leur faute m’en faire commettre une, celle d’être mauvais. Mais c’est une faute avalée depuis, que plus jamais je ne commettrai, et, j’en suis persuadé, une faute qu’il me fallait souffrir pour pouvoir un jour l’éviter. L’autre leçon, c’est qu’on ne peut jamais faire confiance aux (Juifs ?) responsables de toutes ces émissions : ils sont là pour faire les petites putes polies, mauviettes, très menteuses, et ils sont surtout toujours très mauvais, même quand ça les concerne. Il faut le savoir : ces gens sont bêtes, se détestent entre eux, et chargent les stagiaires de tout. Personne ne sait rien, c’est l’amateurisme le plus absolu, ce n’est pas un mythe. Ce que j’avais oublié, c’est qu’ils détestaient probablement Corbière, mais pas pour les mêmes raisons que moi : pour eux, cette bande de sionistes assumés, Corbière est déjà trop tendre avec les Arabes. Ils ont voulu le chercher sur ça, et le reste du temps, pourtant, lui dérouler un tapis rouge d’ennui, quitte à gâcher leur avenir. Qu’ils fassent !
     Maintenant, je sais, et la prochaine fois, je serai prêt. C’était bien de me faire les dents dans des conditions insignifiantes. Mais la conclusion à toute cette aventure est formidable : quand ils ont découpé l’émission pour enfin la mettre en ligne, ils ont tout gardé sauf moi ! Moi qui pensais mon passage pourtant plutôt tranquille, il était en réalité déjà bien trop. Super ! Carrément censuré ! Heureusement que j’ai pensé à demander les rushs… Pour être vraiment complet, il y a autre chose qu’ils n’ont pas gardé : Yoni ! Il me dit avoir démissionné suite à ce que je lui ai montré de la nullité de l’émission ; on m’a dit autour de moi qu’il avait été viré. Dans les deux cas, c’est à cause (grâce ?) de moi.
     J’aurais pu, alors, garder tout ça secret, mais malgré tout, il me fallait le diffuser, ce passage. Pas de cachoteries chez moi, aucune honte, même dans la nullité et aucune fierté dans le triomphe. Il le fallait pour que je puisse en narrer l’histoire, ici, et en témoigner, plus généralement, et puis parce qu’au fond, malgré tout, cela reste très bon pour moi : je suis présenté et introduit excellemment (jeune écrivain, directeur de revue, “quelqu’un d’original”, etc.) ; Nabe est cité, et Corbière me dit même savoir (comment ?) que je suis son « ami » (révélateur !) ; Corbière se met lui-même en position de faiblesse à plusieurs reprises, m’offrant, à juste titre, la supériorité et le savoir littéraires (bien, le complexe ?); Adieu passe magnifiquement à l’écran (Corbière “adore”), et moi aussi, ce qui ne gâche rien (le costard du mec !) ; j’ai pu lâcher deux ou trois phrases qui ne font jamais de mal (c’est déjà ça !) ; et puis surtout, quoi qu’en puisse en dire, à jamais, mon tout premier entraînement médiatique sera un passage de défense des pamphlets de Céline où je dis qu’ils sont révolutionnaires : il y a pire !

David Vesper

(signalement “droit d’auteur” par le diffuseur)